mardi 4 octobre 2011

"Du temps qu'on existait", de Marien Defalvard : l'impossible fixité des choses

Critique | LE MONDE DES LIVRES | 08.09.11 | 15h32

Un homme mort, enterré dès les premières pages, se souvient. De quoi ? D'une vie qui n'a été qu'une existence, cinquante années passées à regarder le monde avec horreur, de loin, comme derrière une vitre. Enfermé dans le regret d'une enfance idyllique, des mois d'été dans le château familial, et de leurs "pures après-midi de bonheur". A l'adolescence, il perd son paradis, vendu. Dès lors, il se met àflotter au-dessus du temps et des lieux qu'il traverse. Le Paris haï de la fin de l'adolescence, et puis Strasbourg, la Sarthe, la Bretagne, Lyon, la Maurienne...

Les lieux, au fond, ne comptent pas : seuls importent leurs noms, que Marien Defalvard fait rouler sous sa plume avec gourmandise, et les paysages intérieurs qu'ils suscitent chez le narrateur. Le temps, lui, ne vaut qu'à l'échelle de l'individu, qui passe à travers les décennies sans jamais se laisser atteindre par l'histoire collective, et ne cesse de courir mentalement derrière son vieux monde.

De cette existence qui n'est qu'une errance mélancolique, Marien Defalvard fait un premier roman saturé de références (à Gide, Nerval, Lampedusa, Proust, Péguy...) mais incroyablement singulier, aux trouvailles stylistiques éclatantes, même si elles frisent parfois la cuistrerie irritante. Il pose sur le monde et sa vulgarité un regard définitif qui ne saurait être que celui d'un adolescent n'ayant rien connu ou d'un vieillard ayant tout vécu. Du temps qu'on existait est un livre conservateur, qui semble exalter une impossible fixité des choses. Mais c'est avant tout le roman d'un véritable écrivain, pour qui la seule réalité qui vaille existe dans les mots.


DU TEMPS QU'ON EXISTAIT de Marien Defalvard. Grasset, 372 p., 20,50 €.

Raphaëlle Leyris

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