mercredi 10 mars 2010

LA MAUVAISE SURPRISE KINDLE. PAR MAXIME CHATTAM

Paris Match - 16 novembre 2009

L’écrivain Maxime Chattam ne croit pas au livre numérique. Il nous explique pourquoi.

Maxime Chattam - Paris Match

La colle et le papier, voilà les mots qui me viennent à l’esprit lorsqu’on me parle livre-objet. Alors le Kindle... Cet écran profilé, léger c’est vrai, qui est supposé remplacer les tranches multicolores de ma bibliothèque, ne m’attire pas vraiment de prime abord.

Choisir un bon bouquin, c’est avant tout une rencontre entre un état d’esprit et une couverture, une quatrième de couv’ intéressante, un poids dans la main, une typo séduisante, on soupèse sans s’en rendre compte pendant qu’on réfléchit, celui-ci ou celui-là ? Un livre, c’est un compagnon qui peut être rassurant lorsqu’il pèse un peu dans la poche d’une veste ou d’un sac. C’est une sensation qui met l’esprit en condition dès qu’on effleure le grammage particulier de son livre, en tournant les pages. On « sent » où on en est dans l’histoire à mesure que le petit paquet final se réduit, entre le pouce et l’index. On peut le corner pour marquer des passages, souligner des phrases, bref, autant de marqueurs qu’un jour nous ou nos enfants retrouverons avec un sourire en coin, comme le legs inattendu et pourtant si parlant qu’est un livre. Un bon roman va bien au-delà de quelques heures de plaisir, il y a toute une histoire physique également !

UN KINDLE NE REMPLACERA JAMAIS UN POCHE

Alors, certes, on me répondra que le Kindle provoquera, à sa manière, des sensations nouvelles : la douce tiédeur de l’appareil, la luminescence apaisante de son écran, le feulement imperceptible de ses processeurs. Mais je n’ai pas grandi avec cette madeleine-là, moi ! Et je crois qu’il va falloir vaincre beaucoup de préjugés pour que le Kindle supplante l’objet livre... A tel point qu’à mes yeux il ne le remplacera jamais.

Nous savons qu’une grande partie du lectorat est composé d’un cœur de « gros » lecteurs, des personnes qui lisent beaucoup, qui accumulent, dont le rapport au livre est de l’ordre du fétichisme, qui apprécient une belle couverture, qui tapissent leurs murs de livres, pour qui le manque de place est une rengaine quotidienne et dont c’est aussi, souvent, une petite source de fierté. Avoir sa bibliothèque, c’est presque une béquille de l’âme, un rempart rassurant ou le gage d’autant de compagnons fidèles pour de belles soirées.

Que seront ces gens, dont je suis, avec leur Kindle rangé sur une étagère ? Les livres ne remplissent pas un vide chez nous par hasard. Et puis, techniquement, vous vous imaginez rouler en boule votre Kindle pour partir prendre le train ? Perdre un roman pendant un voyage, ce n’est pas dramatique en soi, perdre son Kindle, c’est un autre montant ! Et puis, vous vous voyez avec votre Kindle sur la plage ? Plongé dans une lecture passionnante tout en s’assurant que le sable ne vienne pas gripper la belle mécanique ? Et il faudra planifier ses voyages en songeant aux prises de courant pour recharger l’animal ! Non, à bien y réfléchir, je ne crois pas en l’avenir de cette bibliothèque virtuelle, une poignée de curieux, de « geeks », de « nerds » lui permettront un bon départ. Et au final ? Au final, des libraires qui ont, je le crois, encore de l’avenir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire