vendredi 26 mars 2010

Salon du livre: Hachette boude le show

Lucie Soullier - Marianne | Jeudi 25 Mars 2010


Crise identitaire, trop cher, pas assez original, populiste... La polémique que suscite le 30e salon du Livre — dont Marianne est partenaire — qui s'ouvre ce vendredi 26 mars énerve ses organisateurs.

Le ras-le-bol règne Porte de Versailles. Jean-Daniel Compain est fatigué par la polémique qui entoure le salon du livre cette année. Salon populiste, trop cher, inutile… Depuis quelques semaines, les reproches pleuvent.
La pilule médiatique ne passe pas pour le directeur général de Reed Expositions, organisateur du salon (dont Marianne est partenaire ) pour le compte du Syndicat National de l’Edition : « je suis en colère devant les contre vérités qui courent ». Bernard Morisset renchérit : « c’est vraiment dégueulasse, pourquoi on cherche à tout prix à dire que le salon pollue ? » Le commissaire général du salon a beaucoup de mal à comprendre qui il gêne «en posant de la moquette et en mettant des livres dessus...»

LES ABSENTS SÈMENT LE DOUTE

L’agitation a été suscitée par les absents. Et notamment les groupes Bayard et Hachette — soit des dizaines de maisons d'édition. Si les éditions Bayard, spécialisées dans la jeunesse, font l’impasse cette année, c'est juste pour une « question de timing ». En effet, le salon international de Bologne sur la littérature jeunesse et le salon des séniors du Parc des Expositions ont lieu au même moment. « Cela ne veut pas dire qu’on n’y retournera pas l’an prochain », explique-t-on chez l'éditeur avant de préciser que « s’il y avait eu une réaction affolée des auteurs, on aurait fait ça autrement ». Mais les auteurs maison ne sont apparemment pas très perturbés par cette absence. Beaucoup de petites maisons d'édition ont également déserté le salon. Le motif invoqué est généralement économique. Présente au début de son existence, la petite maison d’édition In Press a ainsi rapidement pris conscience du temps, de l’énergie et de l’argent que requiert l’aventure du salon. Or « cela n’a rien apporté, ni en clients, ni en notoriété ». Un arbitrage coût/bénéfice assez simple en effet.
Mais le gros morceau reste le groupe Hachette, qui se contente cette année d'une présence symbolique: 100 mètres carrés d'espace contre 900 les années précédentes, et surtout aucune des grosses maisons du groupe n'est représentée. L'argument avancé est le même que celui d'In Press: le coût des stands… Bernard Morisset n'en croit pas un mot. D'autant plus qu'« on leur a proposé que leur aménagement coûte moins cher. » En tant qu'adhérent au SNE, l'éditeur paye 213€ par m2 contre 209€ l'an dernier. La première augmentation en cinq ans. Si la gêne d'Hachette était uniquement financière, 800 m2 d'espace en moins semblerait en effet une réaction démesurée.

DES VELLÉITÉS DE RENOUVEAU

En réalité, d'autres aspects du salon sont attaqués : manque d'originalité, trop « populaire »... Les critiques ne manquent pas. D'ailleurs, Bernard Morisset s'en dit avide : il veut faire évoluer son salon. Depuis l'année dernière, il s'est ainsi évertué à répondre aux demandes de professionnalisation. D'où la multiplication de plateformes d'échanges, de conférences et la création d'un « pass V.I.P. » pour les libraires. Pourquoi ne pas également envisager « un autre évènement » en plus du salon grand public ? Une alternative plus littéraire que certains imaginaient déjà au Grand Palais, comme un retour au salon d'antan. Mais les éditeurs ont mis le holà au projet, trop coûteux. Les organisateurs multiplient donc les appels pour impliquer les éditeurs dans la rénovation du salon. Pourtant, les propositions sont rares, notamment de la part du SNE. Or, il est clair pour Jean-Daniel Compain que « si le salon doit évoluer, il ne peut le faire qu'avec la participation de la profession ».

Les absents seront malgré tout regrettés par les organisateurs du salon qui souhaitent « être les plus exhaustifs possible ». Un atout commercial certain. Mais cette allure massive ne finit-elle pas justement par nuire au salon du livre ? D'autant plus que de nombreux petits salons, plus thématiques, se sont lancés sur le marché depuis quelques années. Une dimension communautaire qui manque encore au grand évènement parisien. Pourtant, la volonté d'aller plus loin que le simple aspect commercial en thématisant le salon est perceptible. Ainsi, la Russie, la Francophonie, l'Inde, Israël et le Mexique, pour ne citer que les cinq derniers, se sont vus mis à l'honneur.

En tout cas, « ça a de la gueule » lance Bernard Morisset. Et même s'il aurait préféré avoir «Mimi Cracra, Petit ours brun et la Bibliothèque Rose [Les éditions Bayard et Hachette, ndlr]pour les petits bouts », il a décidé de la jouer « à la Ruquier : passer cinq minutes sur ceux qui ne sont pas là et trois heures avec ceux qui nous ont fait le plaisir de venir ». 220 000 visiteurs sont attendus pour l'édition 2010 de la plus grande librairie de France. Une appellation que conteste son commissaire. Il préfère parler de «parc d'attraction» : «en moyenne, les gens restent six heures. Qui reste aussi longtemps dans une librairie à part le vendeur ?» Parc d'attraction ? Les auteurs apprécieront : si le salon est un parc, qui en sont les Mickey, à votre avis?

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