mercredi 10 mars 2010

Le livre numérique, ennemi des libraires

Karine Papillaud - Paris Match - 10 novembre 2009

Le livre électronique fait beaucoup parler de lui, mais il ne s’inscrit pas encore dans nos usages quotidiens. Peu de titres sont disponibles, leur prix est moins cher que le premier tirage mais plus cher que la version livre de poche, et les tablettes de lecture vendues manquent cruellement de sex-appeal. Pourtant, à regarder l’exemple américain, nous serons très vite conquis par la lecture sur smartphones, Netbooks et autres écrans électroniques. Reste à savoir comment cette révolution du livre s’organisera, qui seront les gagnants, et surtout qui seront les perdants.

Dans la ligne de mire, les libraires : à l’heure électronique, on téléchargera sans avoir besoin de se déplacer en boutique. Google et son « Google Livres » inquiète sérieusement les éditeurs français. Le géant américain a déjà numérisé 10 millions de livres, et ne va pas s’arrêter là. « Fort heureusement la fédération des éditeurs européens est globalement hostile à Google », souligne François Gèze, le patron des éditions La Découverte.

Le marchand en ligne Amazon pointe également son nez. Mais ne rassure pas davantage après s’être illustré dernièrement aux Etats-Unis par une politique de ventes à perte des best-sellers en ligne. « En France, la loi Lang sur le prix unique du livre et la loi Galland, qui empêche de vendre à perte, protègent le marché », précise Ronald Blunden, directeur de la communication d’Hachette Livre. Amazon s’enorgueillit toutefois du succès de son Kindle (voir page suivante). Cette tablette s’impose comme le système le plus simple pour acheter en ligne, stocker et lire.
De quoi tourmenter les libraires qui se préparent activement : « Ne nous voilons pas la face, admet Guillaume Husson, délégué général du Syndicat de la librairie française. Pour un libraire, ce serait un suicide commercial de penser qu’on peut se cantonner au papier. »

« Le grand défi de l’industrie du livre sera d’éviter les erreurs de l’industrie du disque, explique Jérôme ­Bouteiller, rédacteur en chef de NetEco.com, site spécialisé dans l’économie numérique. Les internautes n’étant qu’à quelques clics des fichiers pirates, la solution passera par le téléchargement de larges catalogues de “livrels” bon marché ou gratuits, voire par de nouveaux modèles, tels que des forfaits et la consultation en ligne. » L’avenir des librairies sera-t-il de devenir... des bibliothèques ?

« La bibliothèque est une institution de lecture sur place et à distance, constate Bruno Racine, président de la Bibliothèque nationale de France, qui estime toutefois que les libraires et les bibliothèques pourraient jouer la ­complémentarité. « Le grand public ne pressent pas ce qui va se passer car les outils sont onéreux, perfectibles, et l’offre d’e-books encore marginale en France. Mais le numérique se prêtera à une grande diversité d’offres commerciales. » Qui seront les gagnants ? Libraires, opérateurs téléphoniques, moteurs de recherche, ou des acteurs plus inattendus comme les bibliothèques... ils sont tous plus nombreux à concurrencer le métier de libraire.

La montée en puissance du livre électronique redistribue les cartes ; les alliés d’hier pourraient devenir les ­rivaux de demain.

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